Vers la résilience alimentaire. Faire face aux menaces globales à l'échelle des territoires
VR11. Recycler massivement les nutriments

Les cultures nécessitent un sol fertile, suffisamment riche en matière organique et en nutriments accessibles. Le renouvellement de la fertilité repose aujourd’hui sur l’utilisation de grandes quantités d’engrais minéraux. La disponibilité future de ces derniers est compromise par la raréfaction des ressources énergétiques et minières. Assurer le recyclage des nutriments est incontournable pour améliorer la résilience alimentaire des territoires. Cela passe par le retour aux champs des excrétats humains (urines et matières fécales) et la valorisation généralisée des biodéchets.

État des lieux - La linéarité du système alimentaire

Des engrais aux stations d’épuration

Par essence, l’activité agricole consiste à exporter des produits alimentaires depuis les terres cultivées. Ce faisant, les nutriments présents dans les sols et incorporés par les végétaux sont également exportés. Les sols cultivés s’appauvrissent donc petit à petit et les agriculteurs doivent compenser ces pertes de nutriments afin de maintenir leur fertilité. Cela concerne en particulier l’azote (N), le phosphore (P) et le potassium (K), des éléments souvent limitants dans la croissance des végétaux.

La technique de renouvellement de la fertilité des sols la plus répandue est l’utilisation d’engrais, c’est-à-dire l’apport de nutriments depuis l’extérieur de la parcelle cultivée

1L’enrichissement in situ en azote par fixation biologique du diazote atmosphérique grâce aux cultures de légumineuses est une autre forme de renouvellement de la fertilité, distincte de l’utilisation d’engrais tels que définis dans ce rapport.
. On distingue les engrais organiques traditionnels, dont les matières utilisées proviennent d’êtres vivants animaux ou végétaux (fumier, lisier, guano, sang et os séchés, compost végétal…​)
2Les engrais organiques participent de plusieurs manières à la fertilité d’un sol : par le relargage progressif des nutriments qu’ils contiennent à mesure de leur dégradation ; par la structuration du sol permettant une meilleure rétention d’eau et de sels minéraux ; et par l’activité biologique qu’ils nourrissent.
, des engrais minéraux, qui dérivent de matières minérales inertes ou sont synthétisés industriellement. Ces derniers sont directement assimilables par les plantes, et permettent des productions standardisées à haut rendement.

Aujourd’hui produits en très grandes quantités, les engrais minéraux sont un élément clé du système agricole industrialisé.

usine
Usine de fabrication d’urée à Vijaipur (Inde). L’urée est l’une des principales sources d’azote en agriculture. La synthèse des engrais azotés emploie environ 1 % de l’énergie annuelle consommée par l’humanité, principalement sous forme de gaz naturel
3Ramírez CA. et Worrell E. (2006) Feeding fossil fuels to the soil : An analysis of energy embedded and technological learning in the fertilizer industry. Resources, Conservation and Recycling 46:75–93.
.
Crédits : Natfert, CC BY-SA, Wikimedia Commons.

L’usage actuel des engrais est peu efficace. Une partie importante des nutriments est lessivée par les pluies ou se transforme en composés volatils. On estime qu’en France, environ 25 % de l’azote apporté au champ est ainsi perdu

4Agreste (2019) GraphAgri 2019. Bilans azote et phosphore.
. Les déchets produits au cours de la transformation, de la distribution et de la cuisine, concentrent eux aussi une partie des nutriments. Mais l’essentiel se retrouve dans notre assiette, puis notre tube digestif (Figure VR11.1).

Une fois utilisés pour nos besoins physiologiques, ces nutriments sont rejetés par notre corps : c’est l’excrétion

5Notons que l’excrétion par les animaux d’élevage induit des pertes supplémentaires en nutriments puisqu’une partie de leurs urines et matières fécales ne sont pas récupérées et que les engrais organiques issus de ces ressources vont provoquer de nouvelles pertes au champ une fois épandus.
. Celle-ci se fait principalement par la production d’urine, qui concentre à elle seule environ 90 % de l’azote consommé, 60 % du phosphore et 75 % du potassium
6Esculier F. (2018) Le système alimentation/excrétion des territoires urbains : régimes et transitions socio-écologiques. Thèse de doctorat de l’université Paris-Est.
.

flux azote
Figure VR11.1 Flux d’azote associés à la production et à la consommation de blé dans l’aire urbaine de Paris. Les pourcentages (valeurs indicatives) sont tous relatifs à la quantité totale d’azote apportée aux champs (engrais minéraux et fixation biologique par les légumineuses). Au total, seul 3 % de l’azote apporté est réutilisé lors de l’épandage agricole des boues de station d’épuration. Mais les champs qui reçoivent ces boues exportent leurs productions hors du territoire et contribuent très peu à l’alimentation parisienne, le recyclage est donc quasiment nul.
Source : Les Greniers d’Abondance, d’après Esculier et al. (2018)
7Esculier F. et al. (2018) The biogeochemical imprint of human metabolism in Paris Megacity: A regionalized analysis of a water-agro-food system. Journal of Hydrology, In press.
.

Ces nutriments sont ensuite évacués avec les chasses d’eau et rejoignent, dans les zones denses qui concernent plus de 80 % de la population française, un égout puis une station d’épuration

8IRSTEA (2017) Assainissement non collectif. Le suivi in situ des installations de 2011 à 2016.
. Les eaux usées y sont traitées afin de limiter les perturbations des écosystèmes aquatiques. Les deux tiers du territoire sont couverts par une obligation de traiter l’azote et le phosphore, responsables du phénomène d’eutrophisation
9L’eutrophisation correspond à la prolifération excessive de certains organismes photosynthétiques (algues, bactéries) suite à un apport important de nutriments. Leur mort puis leur décomposition prive rapidement le milieu aquatique d’oxygène et provoque la mort des autres organismes. Depuis les années 1990 et sous les demandes répétées de l’Union Européenne, la France a progressivement reconnu la sensibilité des écosystèmes aquatiques à l’eutrophisation, et rend progressivement obligatoire le traitement de l’azote et du phosphore.
. Dans ce cas, l’azote est volatilisé grâce à l’action de certaines bactéries tandis que le phosphore précipite et se retrouve piégé dans les boues de décantation. Même quand ces boues sont utilisées comme matières fertilisantes – soit environ deux tiers d’entre elles – l’essentiel des nutriments entrés dans le système alimentaire grâce aux engrais minéraux est finalement perdu
10Seul le phosphore est potentiellement valorisé en proportions importantes quand les boues sont épandues puisqu’il est capté à plus de 80 % lors du traitement des eaux usées en station d’épuration ; Esculier F. (2018) Le système alimentation/excrétion des territoires urbains : régimes et transitions socio-écologiques. Thèse de doctorat de l’université Paris-Est.
(Figure VR11.1). Le système est dit « linéaire ».

Ce processus d’épuration utilise des énergies fossiles, rejette des gaz à effet de serre et une partie non négligeable des nutriments rejoint quand même les cours d’eau, provoquant localement d’importantes pollutions

11Esculier F. (2018) Le système alimentation/excrétion des territoires urbains : régimes et transitions socio-écologiques. Thèse de doctorat de l’université Paris-Est.
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station epuration
Bassins de décantation de la station d’épuration de Néris-les-Bains (Allier). En France, la plupart des eaux usées subissent ce type de traitement, au cours duquel certains nutriments sont concentrés dans des boues d’épuration, tandis que d’autres sont volatilisés ou rejetés dans le milieu naturel.
Crédits : Toucassé, CC BY-SA, Wikimedia Commons.

Des déchets organiques encore trop peu valorisés

La gestion des déchets organiques (ou biodéchets) produits à chaque étape de la chaîne alimentaire est elle aussi essentiellement linéaire.

Les entreprises qui produisent une grande quantité de biodéchets ont l’obligation de les trier et de les faire valoriser dans des filières adaptées

12Sont notamment concernés les entreprises d’espaces verts, la grande distribution, les industries agroalimentaires, les cantines et restaurants, et les marchés.
. Les seuils ont progressivement été abaissés : sont aujourd’hui concernés les professionnels produisant plus de dix tonnes de biodéchets par an
13ADEME (2018) Déchets chiffres-clés – L’essentiel 2018.
. Les restaurateurs peinent à appliquer cette réglementation, et ce seuil reste élevé
14Seuil applicable depuis le 1er janvier 2016. Dix tonnes par an correspondent par exemple à un restaurateur servant 200 couverts par jour.
.

Les déchets organiques constituent le quart des ordures ménagères, soit environ 150 kilogrammes par an et par habitant. La grande majorité sont incinérés ou mis en décharge, et les nutriments qu’ils contiennent sont perdus

15Au 1er janvier 2016, seules 125 collectivités en France réalisent une collecte séparée des biodéchets pour les ménages et/ou les professionnels ; ADEME (2018) Déchets chiffres-clés – L’essentiel 2018.
.

Une rupture historique

La linéarité actuelle des flux de nutriments marque un contraste fort avec la situation au début du XXe siècle. La gestion circulaire des nutriments avait en effet fait l’objet d’une préoccupation croissante de la part des chimistes et des agronomes au cours du XIXe siècle, craignant que l’essor des villes ne conduise à un appauvrissement critique des sols agricoles

16Barles S. (2005) L’invention des déchets urbains. France 1790-1970. Champ Vallon, Seyssel.
. La plupart des villes de France se sont à l’époque dotées d’usines de transformation des matières collectées dans les fosses d’aisance pour en faire de l’engrais
17Barles S. (2005) L’invention des déchets urbains. France 1790-1970. Champ Vallon, Seyssel.
. La mise en place de l’égout à partir de la fin du XIXe siècle et l’épandage des eaux ainsi récoltées a permis d’accroître encore davantage la circularité des flux de nutriments (Figure VR11.2). Ce recyclage a ensuite progressivement diminué lorsque les pratiques modernes de traitement des eaux usées se sont développées.

circularite paris
Figure VR11.2 Taux de recyclage agricole de l’azote contenu dans les urines et matières fécales de l’agglomération parisienne depuis 1850. La mise en place du tout-à-l’égout dans les années 1890 s’est accompagnée d’une meilleure valorisation agricole des excrétats, avec un épandage quasiment systématique des eaux ainsi récoltées. Cette pratique a cependant progressivement regressé au cours du XXe siècle face au traitement croissant des eaux usées en station d’épuration.
Source : Esculier (2018)
18Esculier F. (2018) Le système alimentation/excrétion des territoires urbains : régimes et transitions socio-écologiques. Thèse de doctorat de l’université Paris-Est.
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Quels liens avec la résilience ?

Menaces associées : dégradation et artificialisation des sols, épuisement des ressources énergétiques et minières

En France, l’essentiel des nutriments apportés aux sols agricoles proviennent d’engrais minéraux et dépendent de ressources non renouvelables. La synthèse des engrais azotés consomme d’importantes quantités de gaz naturel. La plupart des autres engrais (phosphore, potassium, zinc…) sont fabriqués à partir de ressources minières dont l’exploitation est compromise à court terme par les contraintes d’approvisionnement en pétrole et par l’épuisement des gisements de meilleure qualité. La raréfaction des énergies fossiles contraindra également la disponibilité en soufre – un élément souvent limitant pour la croissance de certaines cultures – et en acide sulfurique utilisé pour la synthèse des engrais phosphatés.

Cette dépendance à des ressources non renouvelables concerne également une partie vraisemblablement importante – mais difficile à estimer – des engrais organiques utilisés en France. En effet, la plupart d’entre eux sont issus de déjections d’animaux d’élevage, dont la ration provient pour l’essentiel de cultures – voire de prairies – fertilisées avec des engrais minéraux (voir voie de résilience n°10).

Une diminution de la disponibilité en engrais minéraux conduirait rapidement à une baisse des rendements dans les systèmes de production conventionnels. Leur renchérissement pourrait provoquer par ailleurs des difficultés économiques importantes. Ainsi l’effondrement du bloc soviétique a-t-il par exemple provoqué une chute de 70 % de la production et de la consommation d’engrais azotés dans les régions concernées, occasionnant d’importantes baisses de rendement

19Ramírez CA. et Worrell E. (2006) Feeding fossil fuels to the soil : An analysis of energy embedded and technological learning in the fertilizer industry. Resources, Conservation and Recycling 46:75–93.
.

À moyen terme, dans un contexte de réduction graduelle des apports en nouveaux nutriments, le système linéaire actuel ne peut que mener à un épuisement progressif des sols agricoles et à une diminution de la production globale.

Objectifs

Contrairement à de nombreux autres pays, la France est restée jusqu’à récemment à l’écart des initiatives « d’assainissement écologique ». Assurer l’autonomie du territoire en engrais nécessite de sortir du fonctionnement linéaire actuel et de chercher à boucler le cycle des nutriments, afin qu’un maximum de ce qui est exporté des champs lors des récoltes, puisse y retourner pour fertiliser les cultures suivantes.

Deux types de ressources sont à valoriser : les excrétats humains (urine et matières fécales), qui concentrent la grande majorité des nutriments, et les déchets organiques ou « biodéchets ».

Pour les excrétats, deux voies de traitement principales peuvent être envisagées :

  • Collecte séparative de l’urine et des matières fécales, dite « séparation à la source », grâce à des urinoirs masculins et féminins et/ou des toilettes à séparation ;

  • Récupération et compostage individuel ou collectif de l’ensemble des matières dans des systèmes de type toilettes sèches.

L’urine présente l’atout de concentrer la plupart des nutriments, de pouvoir être collectée facilement et d’être salubre

20Esculier F. (2018) Le système alimentation/excrétion des territoires urbains : régimes et transitions socio-écologiques. Thèse de doctorat de l’université Paris-Est.
. Sa valorisation agricole est donc particulièrement simple à mettre en oeuvre
21Un simple stockage de un ou plusieurs mois suffit à la rendre utilisable.
. Elle représente toutefois des volumes importants à gérer. Les urines collectées peuvent être concentrées pour en faire différents types d’engrais, liquides ou solides, appelés urino-fertilisants
22Un seul urino-fertilisant est pour le moment disponible commercialement (engrais Aurin commercialisé par Vuna), d’autres sont en cours de recherche et développement.
.

Les matières fécales contiennent quant à elles une partie des nutriments intéressants tels que le phosphore, et ont l’avantage d’être sous forme de matière organique riche en carbone, pouvant amender les sols. Elles nécessitent un compostage afin d’éliminer pathogènes et parasites. Le potentiel de valorisation énergétique des matières fécales humaines reste en revanche très faible

23Celui ci pourrait couvrir 0, 1 % des besoins énergétiques moyens actuels d’un français avec une valorisation de 100 % des matières ; Esculier F. (2018) Le système alimentation/excrétion des territoires urbains : régimes et transitions socio-écologiques. Thèse de doctorat de l’université Paris-Est.
.

La séparation à la source est particulièrement indiquée en milieu urbain pour sa mise en oeuvre simple et les volumes importants à gérer.

Pour les biodéchets, une collecte sélective et la mise à disposition de composteurs individuels ou collectifs permettrait une bonne récupération de la ressource qui pourrait être ensuite valorisée localement, par exemple en agriculture urbaine ou périurbaine.

Leviers d’action

Levier 1 : Faire des établissements publics des exemples en matière de recyclage des excrétats

La construction ou la rénovation des bâtiments, en particulier les établissements recevant du public (ERP), sont l’occasion de mettre en place des réseaux séparatifs avec systèmes de collecte et de valorisation, en parallèle du réseau d’égout existant

24L’installation de toilettes sèches dans les ERP (écoles, hébergements touristiques, parcs de loisirs, …) doit se conformer à la norme NF P 99-611 sur les sanitaires publics. Celle-ci impose des contraintes en termes de sécurité, d’hygiène et d’accessibilité auxquelles peuvent répondre ce type de toilettes. Accessible en ligne.
.

  • Remplacer les urinoirs masculins à chasse d’eau par des urinoirs secs. Ceux-ci seront reliés à des cuves qui pourront être collectées en vue de la valorisation. Des urinoirs féminins secs, récemment développés en France, peuvent aussi être installés ;

  • Remplacer les toilettes classiques par des toilettes sèches à séparation d’urine

    25Pour des installations intérieures permanentes et accueillant une forte fréquentation, les toilettes sèches grande capacité à faible maintenance (sans ajout de copeaux de bois) sont recommandées.
    ;

  • Valoriser ces initiatives auprès des usagers.

ecole
Lors de la construction de l’école primaire de Saint Germé (Gers), la Communauté de Communes Armagnac Ardour a fait le choix des toilettes sèches, dont la mise en oeuvre a été confiée à l’Écocentre Pierre et Terre. L’établissement scolaire accueillant 60 enfants a été équipé de sept WC et cinq urinoirs secs, de type toilette sèche gravitaire grande capacité (système sans copeaux à gros volume de compostage et faible maintenance).
Crédits : © Airoldi et Brun.

Levier 2 : Installer des équipements de récupération des excrétats

Mettre en place des systèmes d’assainissements alternatifs dans les lieux non raccordés à l’égout, et accompagner les usagers dans la gestion et la réutilisation des matières.

Dans les zones urbaines traversées par des cours d’eau à faible débit, où les risques de pollution liés à l’assainissement sont élevés, la séparation à la source des urines est particulièrement pertinente.

Inscrire dans le cahier des charges des nouvelles opérations immobilières la nécessité de valoriser les excrétats.

tanum
Tanum, en Suède, est probablement la commune d’Europe avec le système de recyclage de nutriments le plus avancé
26Exemple développé dans Coaliion Clean Baltic (2009) The Swedish Eco-Sanitation Experience - Case studies of successful projects implementing alternative techniques for wastewater treatment in Sweden.
. La municipalité regroupe plusieurs petites villes et zones rurales pour un total de 13 000 habitants sur 900 km2. En 2009, environ 500 maisons individuelles étaient équipées de toilettes à séparation d’urine, en particulier dans les zones non desservies par un égout. La commune organise la collecte des urines et leur valorisation auprès des agriculteurs locaux. Elle subventionne l’installation de toilettes à séparation chez les particuliers, en équipe les lieux publics, et les intègre dans les nouveaux projets d’aménagement. Photographie : Grebbestad, commune de Tanum (Suède).
Crédits : Wikimedia Commons, domaine public.
paris
Paris & Métropole Aménagement a prévu d’installer la collecte séparative des urines dans le futur quartier de Saint-Vincent-de-Paul, soit 250 logements, un gymnase et une crèche. À priori, les matières solides seront envoyées à l’égout, tandis que les urines seront collectées dans un réseau séparatif. Elles devraient être traitées sur place pour produire un engrais.
Crédits : © Anyoji Beltrando.

Levier 3 : Structurer une filière de valorisation agricole des excrétats humains sur le territoire

Soutenir le développement des structures et de la logistique nécessaires à l’émergence d’une filière locale avec les agences de l’eau et les entreprises et acteurs de la gestion des déchets et de l’assainissement.

Sensibiliser les agriculteurs locaux à l’intérêt de cette ressource et former des partenariats. Animer une expérimentation citoyenne participative de collecte des urines pour fertiliser une ferme pilote.

agrocapi
Épandage expérimental d’urine sur une parcelle de blé. Le programme de recherche Agrocapi étudie les filières de valorisation de l’urine comme engrais agricole
27Pour en savoir plus sur le programme Agrocapi. Accessible en ligne.
. Avec 200 personnes volontaires sur deux mois, il est possible de récupérer 12 m3 d’urine soit 60 kg d’azote
28Hypothèses de calcul : production d’urine de 1, 3 L par personne par jour ; taux de récupération de 75 % sur les six mois ; taux d’azote dans l’urine de 5g/L.
. Cela permet de fertiliser deux hectares de blé tendre et de récolter de quoi faire plus de 30 000 baguettes
29Hypothèses de calcul : niveau de fertilisation de 30 kg d’azote par hectare ; rendement de 3, 5 tonnes de blé par hectare ; une tonne de blé permet de faire 1, 2 tonne de pain ; baguette de 250 grammes.
!
Crédits : © Agrocapi.

Levier 4 : Recycler les biodéchets

Développer la gestion séparative des biodéchets

30La loi de Transition énergétique pour la croissance verte prévoit la généralisation du tri et de la collecte séparée des biodéchets à tout le territoire à l’horizon 2025.
. Sa mise en place passe par :

  • La définition des moyens techniques et financiers adaptés au contexte de la collectivité : collecte séparative, compostage individuel ou collectif ;

  • Le déploiement des moyens techniques, de sensibilisation et d’information des usagers ;

  • Le contrôle de la qualité des biodéchets. Un des objectifs d’une collecte séparée étant le retour au sol des composts, une vigilance particulière est nécessaire pour éviter les indésirables (plastiques, métaux, produits dangereux…).

Mettre en place des dispositifs de facturation basés sur les volumes de déchets produits : tarification incitative pour les ordures ménagères et redevance spéciale pour les entreprises et les organismes publics

31En 2018, la tarification incitative est en oeuvre ou en cours de mise en oeuvre auprès de 6, 7 millions de Français ; ADEME (2019) Les modes de financement du service public de gestion des déchets. Accessible en ligne.
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collecte
Le Syndicat Mixte de Thann-Cernay (Haut-Rhin) a mis en place une collecte séparée des biodéchets sur son territoire (42 000 habitants), tout en réorganisant ses collectes et en passant à la redevance incitative. Le compost obtenu a reçu le label ASQA (Amendement Sélectionné Qualité Attestée) et la démarche pour la certification Agriculture Biologique est engagée.
Crédits : © Syndicat Mixte de Thann-Cernay.
lombricompost
Bac de compostage collectif géré par l’association Eisenia, à Lyon. L’association utilise comme technique principale le lombricompostage : les déchets organiques sont digérés par des vers et transformés en un amendement semblable à de l’humus, utilisable en agriculture.
Crédits : © Eisenia.

Bénéfices associés

Du point de vue économique, la valorisation agricole des excrétats permet de diminuer les coûts de traitement des eaux usées, ainsi que les charges des exploitations. La gestion séparée des biodéchets permet de diminuer les volumes et le coût de la collecte.

Du point de vue environnemental, le recyclage des nutriments permet de diminuer les émissions de gaz à effet de serre liées à la production des engrais et au traitement des eaux usées. Il permet aussi de limiter fortement la pollution des milieux aquatiques, grâce à la diminution des nutriments rejetés à la fois par les engrais minéraux agricoles, et par les eaux des stations d’épuration partiellement traitées.

Obstacles

Installation des équipements L’installation de toilettes ou d’urinoirs permettant la récupération des ressources représente un investissement et nécessite des compétences spécifiques. Plusieurs professionnels sont à même d’accompagner les collectivités pour répondre à ces enjeux. Ce type d’installation est l’occasion de sensibiliser les utilisateurs qui, bien souvent, adoptent volontiers le nouveau système quand ils en ont compris les enjeux.

L’installation de réseaux d’urine nécessite une vigilance spécifique liée au risque d’obturation des réseaux par les cristaux d’urine. L’équipe OCAPI a édité des recommandations sur ce sujet.

Valorisation des matières

Les filières de valorisation sont encore en cours de construction. Certaines plates-formes de compostage acceptent déjà les matières issues de toilettes sèches. Il est aussi possible de s’associer spécifiquement avec des agriculteurs de la collectivité pour mettre en place une filière, comme le font déjà les loueurs de toilettes sèches événementielles.

Réglementation de l’usage des excrétats

L’utilisation des urines et matières fécales en agriculture n’est pas spécifiquement encadrée par la réglementation mais les Ministères de l’Écologie et de la Santé permettent de s’appuyer sur les réglementations existantes liées à l’épandage de matières de vidange de l’assainissement non collectif. L’utilisation en agriculture biologique est aujourd’hui délicate et nécessiterait une évolution de cette réglementation (nécessaire par ailleurs dans le paradigme de l’agriculture biologique qui ne peut pas se passer d’engrais minéraux fossiles à grande échelle si les engrais humains sont interdits).

Notons que la valorisation agricole d’urines et de matières fécales est largement répandue en France depuis des siècles à travers l’utilisation des effluents d’élevage comme engrais. De même, deux tiers des boues issues de stations d’épuration sont épandues. Les problématiques parfois soulevées de risques liés à la présence de résidus médicamenteux ou d’autres polluants dans les urines humaines, apparaissent relativement mineures face à ce qui se fait déjà aujourd’hui et face aux bénéfices que procure leur recyclage.

Indicateurs

  • Taux de compostage des biodéchets

  • Taux de valorisation agricole des nutriments (azote, phosphore, potassium) contenus dans les excrétats de la population

  • Volumes d’urines et de matières fécales collectés

Pour aller plus loin

OCAPI (2019) Note pour concevoir et exploiter les réseaux de collecte de l’urine humaine.
De nombreuses autres ressources sur le site du programme de recherche OCAPI.
Le Réseau Assainissement Écologique (RAE) met à disposition de nombreuses ressources utiles pour les collectivités ou les particuliers.